HYPERSONS

HYPERSONS
HYPERSONS

On appelle hypersons ou ondes hypersonores les ondes acoustiques ou élastiques cohérentes dont la fréquence est supérieure à 109 Hz. La structure périodique de la matière et l’ordre de grandeur des dimensions atomiques limitent leur fréquence maximale possible aux environs de 1013 Hz.

La longueur d’onde des hypersons varie de quelques micromètres pour 109 Hz à quelques dizaines de nanomètres pour 1013 Hz. Ces très courtes longueurs d’ondes expliquent que la propagation des ondes hypersonores ne peut se faire convenablement que dans les milieux monocristallins exempts de défauts.

Par ailleurs, les fréquences des ondes élastiques incohérentes dues à l’agitation thermique d’un corps s’étendent jusqu’à 1013 Hz avec un maximum au voisinage de 1013 Hz pour la température ambiante et au voisinage de 1011 Hz à l’approche du zéro absolu. Il se produit une très forte interaction entre ces ondes élastiques incohérentes et les hypersons, ce qui entraîne une très grande absorption de ces derniers lorsque le corps n’est pas refroidi en-dessous d’une température de l’ordre de quelques dizaines de kelvins. Cette interaction porte le nom d’interaction phonon acoustique-phonon thermique car à ces fréquences apparaît la nature quantique des ondes élastiques. Le quantum qui intervient alors (le phonon) est caractérisé par une énergie h 益, un vecteur d’onde et une quantité de mouvement h や. Dans le cas le plus simple, le choc de deux phonons se fait avec conservation de l’énergie et de la quantité de mouvement: c’est le processus Normal . Mais il peut se faire sans conservation de la quantité de mouvement: c’est le processus Umklapp .

À côté de cette interaction incontrôlable, des interactions hypersonores contrôlables sont possibles avec les électrons, les trous, les spins, les ondes de spins, les photons... et, suivant le sens dans lequel s’effectuent les échanges d’énergie, les hypersons peuvent être fortement atténués ou amplifiés.

Les hypersons permettent, par leurs interactions fortement couplées, des expériences fondamentales aux fréquences thermiques, comme l’étude de la durée de vie des phonons thermiques et donc de la conductivité thermique, l’étude de la dispersion ( 諸, k ) et donc des forces interatomiques, l’étude de la superconductivité électrique, des phénomènes de transport dans les solides, des transitions énergétiques dans les semiconducteurs. Enfin, les distorsions, les défauts et les impuretés d’un réseau cristallin donnent naissance à de nombreux spectres magnétiques, vibratoires ou électroniques qu’il est possible d’analyser à l’aide des hypersons car les règles de sélection relatives aux transitions correspondant à ces spectres favorisent l’excitation des phonons par rapport à celle des ondes électromagnétiques.

Un intérêt technique, qui va croissant, concerne l’application des hypersons de basse fréquence (ondes de volume ou ondes de surface), non seulement aux lignes à retard variables et dispersives (pour traiter certains signaux électriques) ou non dispersives (mémoires circulantes), mais aussi aux modulateurs de lumière (déflexion et corrélation optique), et aux amplificateurs acousto-électriques (compensation des pertes de propagation, amplification, oscillateurs).

La principale limitation à l’emploi des hypersons de très haute fréquence provient de leur difficulté d’excitation et de détection. On a jusqu’à présent pu exciter et détecter des hypersons dont la fréquence atteint 114 GHz.

1. Propagation et atténuation

Une bonne propagation des hypersons nécessite l’emploi de cristaux refroidis. Or, contrairement au cas des solides isotropes, dans un monocristal l’énergie ne peut pas toujours se propager dans la direction du vecteur d’onde. Associées à un plan d’onde donné, il peut exister trois ondes distinctes dont la direction de propagation de l’énergie et dont les vitesses sont différentes. Leurs mouvements vibratoires sont toujours perpendiculaires l’un à l’autre sans qu’aucun d’entre eux, en général, ne soit contenu dans le plan d’onde ou soit orthogonal à celui-ci. Dans la plupart des cristaux, malgré tout, il existe des directions dans lesquelles une onde longitudinale ou transversale pure (dont le vecteur d’onde est colinéaire au vecteur de propagation de l’énergie) peut se propager. Par exemple, dans le cas du quartz, l’axe X (axe de symétrie d’ordre 2) est une direction de propagation pure pour l’onde longitudinale de vitesse 5,75 km/s et les deux ondes transversales de vitesses respectives 5,18 km/s et 3,36 km/s, l’axe Z (axe de symétrie d’ordre 3) est une direction de propagation pure pour l’onde longitudinale uniquement et les axes AC et BC (axes particuliers contenus dans un plan perpendiculaire à l’axe X, et perpendiculaires entre eux) sont les directions de propagation pures pour les ondes transversales uniquement.

Les expériences de H. Bömmel et K. Dransfeld et celles de E. H. Jacobsen ont permis de mesurer l’atténuation en fonction de la température de l’onde hypersonore longitudinale dans le quartz suivant l’axe X pour des fréquences allant jusqu’à 114 GHz (fig. 1). Les résultats obtenus sont en bon accord avec le mécanisme d’absorption de A. Akhieser selon lequel le passage de l’onde hypersonore dans le cristal détruit la distribution d’équilibre de Planck des phonons thermiques; le rétablissement de cet équilibre nécessite alors un accroissement d’entropie qui conduit à l’absorption de l’onde hypersonore. L’atténuation qui décroît brutalement lorsque le libre parcours moyen des phonons thermiques dépasse la longueur d’onde hypersonore, serait donc due à un processus Umklapp faisant intervenir des interactions avec les phonons thermiques. En particulier, la loi en 4 reconnue valable entre 4 K et 20 K pour les ondes transversales indique qu’il s’agit là d’un processus à trois phonons dans lequel le phonon acoustique se combine à un phonon thermique pour donner un autre phonon thermique de fréquence plus élevée.

2. Excitation et détection

Étant donné la très faible valeur des longueurs d’onde hypersonores les dimensions des monocristaux utilisés sont toujours beaucoup plus grandes que la longueur d’onde. La génération ou la détection d’un plan d’onde hypersonore nécessite donc une planéité et un parallélisme des faces de l’échantillon très rigoureux, de l’ordre de la fraction de longueur d’onde hypersonore. Cette contrainte technologique est une très sérieuse limitation à la détection cohérente des hypersons de fréquences supérieures à 1011 Hz. À ces très hautes fréquences toutefois des détections incohérentes de type quantique sont possibles.

Pour la production ou la détection par ondes planes, on utilise généralement des effets piézo-électriques ou magnéto-élastiques. Lorsque le monocristal est piézo-électrique, comme le quartz, le niobate de lithium LiNb3, le sulfure de cadmium CdS, l’oxyde de zinc ZnO, on peut introduire l’échantillon dans une cavité hyperfréquence ré-entrante (fig. 2a) et les contraintes piézo-électriques sont alors produites par le gradient de champ électrique. Ce type d’excitation n’est pas résonnant.

Lorsque le monocristal n’est pas piézo-électrique, on peut déposer aux extrémités des échantillons des couches minces épitaxiées de sulfure de cadmium ou d’oxyde de zinc piézo-électriques, ou des films de nickel magnétostrictifs, dont les épaisseurs sont accordées à la fréquence choisie et dont la bande des fréquences utilisables dépend des couches intermédiaires déposées entre l’échantillon ou substrat et le film actif et destinées à réaliser l’accord des impédances mécaniques. Ces films sont alors excités par le champ électrique (fig. 2b) ou magnétique (fig. 2c) d’une cavité hyperfréquence pour les fréquences inférieures à 1011 Hz et par le champ électrique d’une impulsion laser (fig. 2d) pour les fréquences plus élevées. Dans ce dernier cas, une détection quantique insensible aux irrégularités géométriques de l’échantillon peut se faire par une jonction tunnel superconductrice mais ce type de détection ne présente pas actuellement toute la sensibilité désirable.

3. Interactions

À côté de l’interaction phonon acoustique-phonon thermique responsable de l’atténuation des hypersons, de nombreux autres effets d’interactions peuvent exister: l’effet des dislocations, la diffraction par les défauts cristallins, les effets thermo-élastique, acousto-électrique dans les milieux semi-conducteurs, magnéto-élastique dans les milieux ferromagnétiques. Sont également possibles des interactions avec les phonons acoustiques, les photons, les électrons de conduction dans les métaux, les systèmes de spins nucléaires, les spins électroniques dans les matériaux paramagnétiques, les porteurs de charges dans les matériaux piézo-électriques. On évoquera seulement ici certaines de ces interactions considérées comme les plus significatives.

Interaction avec une autre onde hypersonore

Par suite du caractère anharmonique du potentiel interatomique, deux ondes hypersonores peuvent interagir. Les règles de sélection sont alors celles relatives au processus Normal : conservation de l’énergie et de la quantité de mouvement. Ainsi, lorsque les phonons acoustiques de fréquence 益1 et 益2 et de nombre d’onde 1 et 2, interfèrent, ils forment un phonon acoustique de fréquence 益3 tel que 益3 = 益1 + 益2 et de nombre d’ondes 3 tel que 3 = 1 + 2. N. S. Shiren a pu observer qu’une onde hypersonore de 8,5 GHz dans l’oxyde de magnésium MgO à 2 K est partiellement convertie en une onde de 17 GHz; il a également pu montrer que si la puissance d’une onde de pompe à 16,5 GHz est suffisante (fig. 3 a), on peut amplifier l’onde signal à 8,5 GHz. Le gain qu’il a obtenu est de 3,5 dB/cm. D’autres expériences ont montré la création d’ondes hypersonores de 20 GHz à partir d’ondes de 10 GHz, ce qui est un bon moyen pour fabriquer des hypersons de hautes fréquences.

Interaction avec les photons

Le milieu cristallin soumis à un champ électrique intense (laser) se déforme par électrostriction; de même l’indice de réfraction d’un cristal dépend des contraintes locales. Une onde hypersonore se comporte donc comme un réseau optique d’indice variable qui progresse à la vitesse du son. Les photons sont réfléchis sous l’incidence de Bragg avec diminution de fréquence conformément aux règles de sélection. Si le faisceau lumineux est intense, l’amplification paramétrique (cf. HYPERFRÉQUENCES) prend naissance; la génération se produit même en l’absence d’onde hypersonore initiale. C’est l’effet Brillouin stimulé observé par B. T. Chiao, C. W. Townes et B. P. Stoicheff sur le quartz et le saphir à température ambiante. Cet effet constitue un bon moyen pour engendrer des hypersons très intenses jusqu’à quelques dizaines de GHz dans des cristaux ou des couches minces, à fortes constantes élasto-optiques.

Interaction avec les électrons

Les métaux absorbent les hypersons beaucoup plus que les isolants. En effet, un champ électrique accompagne l’onde élastique par suite du déplacement relatif des ions et des électrons. Il en résulte des pertes par effet Joule et, tant que le libre parcours moyen des électrons reste inférieur à la longueur d’onde hypersonore, il existe un coefficient d’atténuation qui croît comme la résistivité électrique et comme le carré de la fréquence. À la température de l’hélium liquide, une onde hypersonore de 1 GHz peut se propager sur quelques millimètres dans l’aluminium. L’atténuation chute brusquement dans le cas d’un métal supraconducteur.

Les milieux semi-conducteurs non piézo-électriques absorbent beaucoup moins: 40 dB/cm à 1 GHz pour le germanium à température ambiante par exemple. Dans les milieux semi-conducteurs piézo-électriques, l’onde hypersonore est accompagnée d’un champ électrique important; il en résulte des pertes par effet Joule et un coefficient d’atténuation supplémentaire. L’atténuation est proportionnelle à la conductivité, donc au nombre de porteurs de charges, au carré du coefficient de couplage et au carré de la fréquence.

A. R. Hutson, J. H. McFee et D. L. White ont montré que l’amplification acoustique peut être obtenue si un champ électrique impose aux électrons un mouvement d’ensemble à une vitesse supérieure à la vitesse du son (fig. 3b), car ce sont alors les électrons qui fournissent de l’énergie à l’onde hypersonore. La difficulté de ce type d’amplification provient du fait que le bruit de fond thermique est lui aussi amplifié et interagit avec l’onde hypersonore.

Interaction avec les ondes de spin

Les ondes de spin proviennent de la propagation d’une oscillation du vecteur aimantation dans les matériaux magnétiques. Le matériau est alors déformé par magnétostriction. Il en résulte un fort couplage entre les ondes de spin et les ondes élastiques. La vitesse d’une onde de spin de fréquence donnée varie avec un champ magnétique extérieur, ce qui permet de réaliser les lignes à retard variable en hyperfréquence.

Dans un champ de l’ordre du kilo-œrsted, la longueur d’onde de l’onde de spin peut être ajustée à la longueur d’onde élastique pour une fréquence de quelques GHz et le couplage est alors très intense. Une onde de spin qui se propage dans un milieu où règne un champ variable peut être transformée intégralement en onde élastique. Or, les ondes de spin peuvent être engendrées aisément à l’aide d’un champ magnétique hyperfréquence. L’amplitude d’oscillation des spins peut atteindre plusieurs dizaines de degrés alors qu’ils conservent une longueur pratiquement constante; les effets non linéaires sont donc très importants et le pompage des ondes de spin est aisé.

Ainsi, H. Matthews a amplifié à température ambiante avec un gain de 30 dB des ultrasons de 0,7 GHz engendrés par un quartz collé à l’extrémité d’un barreau de grenat de fer yttrium (YIG: yttrium iron garnet ). L’amplification est obtenue par pompage à 1,4 GHz. Cette expérience a été reprise par R. A. Sparks et E. L. Higgins qui ont obtenu une amplification de 13 dB avec des hypersons de 1 GHz pompés continûment à 2,6 GHz.

Interaction avec les spins

Des ions, tels que Fe++ ou Ni++, dilués dans un milieu tel que l’oxyde de magnésium, s’orientent dans un champ magnétique continu et leur énergie est alors répartie suivant trois niveaux. Ces niveaux sont inégalement peuplés à basse température. E. H. Jacobsen, N. S. Shiren et E. B. Tucker ont montré qu’à 2 K une onde hypersonore peut provoquer des transitions entre les trois niveaux.

Ainsi, une onde hypersonore dont la fréquence correspond à une transition est absorbée près de la résonance avec une variation de la vitesse du son en fonction de la fréquence. N. S. Shiren a aussi mis en évidence une absorption de l’énergie électromagnétique en présence d’une onde hypersonore dont la fréquence est la différence entre la fréquence de la transition (niveau inférieur-niveau supérieur) et la fréquence électromagnétique. Ce processus permet d’imaginer des détecteurs quantiques d’onde hypersonore. Il a aussi permis, inversement, d’amplifier des hypersons de 8,5 GHz dans l’oxyde de magnésium dopé au Ni++ avec un gain de 28 dB/cm en pompant à la fréquence de 9 GHz à l’aide d’une onde électromagnétique. Ce maser à phonon est assez efficace et pourrait être encore perfectionné.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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